CHAROPHYCÉES

CHAROPHYCÉES
CHAROPHYCÉES

Chez les Algues vertes ou Chlorophycophytes, la classe des Charophycées constitue un groupe végétal isolé, à la fois très ancien (probablement apparu dès le Silurien supérieur) et relativement évolué. Elle comprend une seule famille, celle des Characées, avec sept genres et environ trois cents espèces, représentés principalement par les Chara et les Nitella . Par certains aspects, les Charophycées annoncent déjà les plantes supérieures. Leur originalité s’exprime surtout par une très haute complexité morphologique des organes reproducteurs. Maintes particularités cytologiques et écologiques s’ajoutent aux caractères morphologiques pour justifier la place à part qu’elles occupent dans le monde végétal actuel.

Morphologie

Le thalle des Charophycées est formé par un ensemble d’axes ramifiés et verticillés, les cladomes , offrant l’aspect d’une touffe chez les sujets de petite taille (quelques centimètres chez certaines espèces). Chez les individus de plus grande taille (jusqu’à 1 m) une convergence de formes s’établit avec certaines Phanérogames aquatiques (Cératophylles) dont les tiges sont elles-mêmes garnies d’une succession de verticilles superposés.

La germination de la «graine» (oospore) donne naissance à un petit cladome primaire et rudimentaire d’environ 1 cm de hauteur (le proembryon) qui produit lui-même un système de cladomes ramifiés, ou fronde, fixé par des rhizoïdes. Chaque cladome est formé par un axe à croissance indéfinie qui s’accroît par le jeu d’une cellule initiale apicale. Elle engendre une file de segments dont l’évolution aboutit à une alternance de nœuds très courts et d’entrenœuds allongés à structure en siphon. Le cloisonnement des cellules nodales aboutit à la différenciation de nouveaux cladomes. Ce sont des axes secondaires à croissance indéfinie, semblables aux axes primaires, et des rameaux pleuridiens (phylloïdes) courts, verticillés, à croissance définie, dont la structure rappelle celle des axes primaires et secondaires (fig. 1).

Chez Lychnothamnus et la plupart des espèces du genre Chara , les cellules internodales des axes ainsi que certains segments des phylloïdes sont entourés par un cortex de nature pleuridienne constitué de filaments recouvrants appliqués contre la paroi des entrenœuds. Les différents filaments recouvrants n’ont ni la même origine ni la même structure. Les filaments dits primaires proviennent des nœuds basilaires (coxaux) des phylloïdes: ils s’accroissent de part et d’autre du point d’insertion du phylloïde sur l’axe, les uns vers le haut, les autres vers le bas, de telle sorte que les filaments recouvrants d’un même entrenœud proviennent de deux nœuds opposés. Les filaments ascendants et descendants se rejoignent vers le milieu de l’entrenœud en suivant un cheminement légèrement hélicoïdal qui peut donner au cortex un aspect torsadé. À chaque phylloïde correspond, sur l’entrenœud, un filament primaire.

Comme les axes qu’ils recouvrent, les filaments primaires montrent une alternance de nœuds (4 cellules: 1 centrale, 3 péricentrales) et d’entrenœuds. À leur tour, ils peuvent produire de nouveaux éléments à partir de chacun de leurs nœuds: d’une part, de petits éléments rayonnants, les acicules , plus ou moins développés, simples ou fasciculés, affectant parfois la forme de piquants (Chara aspera ); d’autre part, des filaments corticants secondaires visibles de part et d’autre des filaments primaires (fig. 2).

Selon le mode de fonctionnement du petit système nodal du filament primaire, il est possible de distinguer 3 types de cortications: 1. chez les espèces haplostiques (Chara canescens ), les nœuds des filaments primaires ne produisent que des acicules; le nombre de files recouvrantes de l’entrenœud est donc le même que celui des phylloïdes des proches verticilles; 2. chez beaucoup d’espèces (Chara vulgaris ), le cortex est diplostique : le jeu des cellules nodales des filaments primaires permet la différenciation d’une série de filaments secondaires doublant ces derniers; 3. un dernier groupe d’espèces possède un cortex triplostique : à chaque phylloïde correspond, sur l’entrenœud, 3 files de cellules corticantes (Chara globularis ) [fig. 2]. Les dispositifs diplostique et triplostique ne diffèrent que par l’importance relative des productions secondaires. Chez les diplostiques, les nœuds des filaments primaires n’émettent que des éléments courts, de telle sorte qu’un filament primaire est flanqué de 2 files discontinues d’éléments secondaires. Les espaces libres entre ces derniers sont occupés par les éléments secondaires dépendant des files primaires voisines. Il se forme donc des filaments secondaires d’apparence continue mais empruntant alternativement leurs éléments à deux filaments distincts. Chez les espèces triplostiques, le nœud primaire produit toujours des éléments longs qui forment deux files latérales continues d’éléments secondaires. D’où la présence de deux files intercalaires secondaires au lieu d’une, entre les files primaires. Enfin, les filaments recouvrants secondaires ne présentent aucune alternance de nœuds et d’entrenœuds. À défaut de cellules nodales, ils ne produisent pas d’acicules, ce qui permet de les distinguer à coup sûr.

Les modalités de l’extension du cortex sur les diverses parties de l’appareil végétatif des Characées sont variées. Il existe des cas intermédiaires entre les frondes acortiquées (genres Nitella , Tolypella , Nitellopsis , Lamprothamnium , quelques espèces du genre Chara ) et celles où le cortex est assez généralisé (axes, phylloïdes).

Dans le genre Nitella , les phylloïdes sont une ou plusieurs fois ramifiés et formés de segments (les «rayons») plus ou moins allongés, avec diverses variantes.

À la base et au-dessous des phylloïdes (Chara , Lamprothamnium , Lychnothamnus ) se développent de petits appendices, les stipulodes , disposés en couronne. Les cellules-bractées , annexées ou non aux gamétanges, sont des productions des cellules nodales des phylloïdes (tribu des Chareae ). Enfin, diverses espèces forment des bulbilles chargées de réserves à la base des frondes (multiplication végétative).

Chez les Chara , les grandes cellules internodales des axes et des phylloïdes sont revêtues d’une cortication formée de filaments hélicoïdaux hérissés d’acicules de dimensions variables. Les files corticantes possèdent une organisation (nœuds, entrenœuds) rappelant celle des axes. Dans les autres genres, axes et phylloïdes sont dépourvus de cortication.

Dans l’ensemble, les Charophycées sont des végétaux très polymorphes. Leur variabilité atteint toutes les parties de l’appareil végétatif et se trouve sous la dépendance étroite des conditions de vie.

Les Characées sont monoïques ou dioïques. Les gamétanges apparaissent aux nœuds des phylloïdes, suivant une disposition propre aux divers genres. Les organes mâles (globules ou anthéridies ) sont sphériques et colorés en rouge orangé à maturité par des chromoplastes riches en caroténoïdes (fig. 2). Les gamétanges femelles (nucules ou oogones ) sont ovoïdes et verts. Chaque gamétange peut être interprété comme un minuscule cladome profondément modifié.

La paroi du globule est formée de 8 (très rarement 4) cellules triangulaires emboîtées, de structure complexe, les écussons . À la face interne de chaque écusson, un pilier (manubrium), orienté vers le centre du globule, engendre des bouquets de filaments (les spermatocystes) pelotonnés et cloisonnés en une file unisériée de 50 à 200 logettes uninucléées. Chacune produit un spermatozoïde hélicoïdal à deux fouets, semblable à celui des Mousses. La nucule, ou oogone, est formée par un gros oocyste à oosphère unique enveloppé par 5 cellules allongées, enroulées en hélice et prolongées en une coronule de 5 ou 10 petites cellules. Après la fécondation, elle forme une oospore brunâtre à noirâtre pourvue d’une enveloppe dure et complexe ornée de crêtes hélicoïdales.

Cytologie

La structure en siphon des cellules internodales est l’un des traits originaux des Charophycées: l’entrenœud peut atteindre des dimensions considérables (de 10 à 20 cm chez quelques espèces) sans se cloisonner et il est multinucléé. La paroi cellulaire est formée par un constituant cellulosique de nature inconnue (absence des celluloses I et II); dans le genre Chara , plus rarement chez Nitella , elle s’incruste de calcaire. Les chloroplastes pariétaux sont dépourvus de pyrénoïdes. Les corps de Golgi sont jusqu’ici inconnus. Les noyaux sont du type réticulé ou semi-réticulé et les chromocentres, lorsqu’ils existent, sont variables en nombre et en dimension.

Dans la phase d’élongation des cellules internodales, le noyau initial et les noyaux fils sont le siège de fractionnements nucléaires, mais les mitoses qui sont à l’origine de la formation des spermatozoïdes, dans les spermatocystes, peuvent être assimilées à celles des plantes supérieures.

L’étude des caryotypes révèle une grande variété de garnitures chromosomiques. Dans l’ensemble du groupe des Charophycées, les séries polyploïdes régulières voisinent avec de nombreux cas d’aneuploïdie. De même, à côté de taxons très diversifiés par le nombre de lignées chromosomiques, s’observent des types à caryotype unique et d’apparence stable. Les espèces dioïques présentent les nombres chromosomiques les plus faibles (chez Nitella , n = 6, 9 ou 12). L’euploïdie peut s’associer à un degré élevé de polyploïdie (Chara zeylanica , espèce intertropicale, n = 28, 42, 56 et 70). Il est possible d’admettre que les nombres de base sont respectivement de x = 3 pour Nitella et x = 7 pour Chara .

Le détail de la morphologie chromosomique (forme, dimensions des chromosomes) révèle une assez grande homogénéité chez les espèces étudiées.

Le cycle des Charophycées est monogénétique haploïde, comme celui de beaucoup de Chlorophycophytes. En effet, tous les thalles sont des gamétophytes haploïdes et seuls les zygotes sont diploïdes, car leur germination s’accompagne d’une réduction chromatique avec formation immédiate de spores méiotiques produisant les nouveaux gamétophytes. Exceptionnellement (Chara canescens ), le cycle peut être perturbé par une apogamie. Dans ce cas, la fécondation des oosphères est supprimée et les «graines» renferment un pseudo-zygote haploïde. Le nouveau thalle se développe sans l’intermédiaire de la réduction chromatique.

Divers schémas évolutifs ont été proposés. En se fondant sur les critères cytologiques, il est possible de séparer, à partir d’un ancêtre inconnu, les 2 tribus des Chareae et Nitellae . Chez les Chareae , les types les plus évolués seraient représentés par le groupe des triplostiques (Grovesia ) pourvus d’une double couronne de stipulodes (avec n = 14, 28, 42, 56, 70). Chez les Nitelleae , les espèces les plus évoluées seraient les Heteroclemae du genre Nitella (avec n = 15, 18) dont les phylloïdes, de dimensions et de morphologie différentes, sont disposés en 2 ou 3 couronnes réunies au même nœud axial.

Écologie et distribution géographique

La réaction des Charophycées aux conditions du milieu (photopériodisme, température, sels dissous, etc.) est très diverse selon les espèces. Elle s’exprime par un polymorphisme très prononcé, par les particularités d’une phénologie très souple et par la variété des types de végétations en fonction des caractères stationnels.

La vie et la distribution des Charophycées sont fortement tributaires de la concentration en sels dissous (chlorures, sels de calcium). Les espèces acidiphiles se rencontrent surtout dans le genre Nitella . Beaucoup d’espèces du genre Chara sont calciphiles. Certaines sont halophiles ou subhalophiles (Lamprothamnium ). Il en résulte une gamme étalée de pH: de 5 (tourbières acides) à 9,5 (marais salants). En dehors de la Baltique, aucune espèce ne vit dans le milieu marin.

Les Charophycées sont les pionnières des milieux d’eau douce ou saumâtre. Dans les biotopes neufs ou profonds (grands lacs; lacs d’Annecy, du Mont-Cenis, etc.), elles sont exclusives. La pauvreté spécifique des populations, liée à l’exubérance de leur développement, est fréquente. Les populations polyspécifiques à strates superposées s’observent surtout dans les biotopes alcalino-saumâtres (lagunes, marais littoraux) ou neutres, favorables au mélange des espèces. Les Charophycées vivent aussi à la strate inférieure d’associations de Phanérogames aquatiques et se raréfient par le jeu de la concurrence et du dynamisme général de la végétation. Ce sont, en outre, de bons indicateurs biologiques et leur présence témoigne d’une certaine qualité des eaux. La pollution chimique des milieux aquatiques entraîne une raréfaction notée dans les pays les plus industrialisés et pourvus d’une agriculture à haut rendement fondée sur l’emploi de produits chimiques divers (Europe occidentale).

Pour l’ensemble du groupe, la répartition géographique s’étend à presque toutes les régions du globe, du 690 de latitude nord (Norvège) au 490 de latitude sud (îles Kerguelen), mais il est possible de définir des cortèges floristiques et de distinguer des espèces à répartition large (cosmopolites, eurasiatiques, etc.) ou relativement limitée (latéméditerranéennes, atlantiques). Divers travaux ont cependant montré que, dans divers cas, une espèce «cosmopolite» peut correspondre à un complexe d’unités régionales génétiquement isolées (Chara globularis ). Dans quelques cas, l’aire géographique peut rappeler celle de végétaux terrestres (exemple d’une aire circumméditerranéenne: Tolypella hispanica ; d’une aire d’euryatlantique: Chara fragifera ). L’endémisme peut exister pour quelques régions isolées (Indonésie, péninsule Ibérique, etc.). Toutefois, le caractère incomplet de la documentation géographique n’autorise pas l’adoption de conclusions phytogéographiques définitives.

charophycées
n. f. pl. BOT Syn. characées.
Sing. Une charophycée.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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